Formation : Crise financière

Dossier : La crise financière "La crise financière" Trois points dans le débat par Liêm hoang ngoc La veille du congrès socialiste, le concours de beauté organisé par la démocratie d’opinion occulte les véritables débats de fonds. Loin des déclarations de principes, nos concitoyens désespèrent de voir la gauche se saisir des trois questions essentielles du moment : le protectionnisme, l’action publique, la répartition des richesses. Protectionnisme Le monde contemporain n’a rien à voir avec celui qui prévalait lorsque David Ricardo énonçait la théorie des avantages comparatifs. La mobilité du capital est désormais parfaite, alors que Ricardo raisonnait comme si les capitalistes ne pouvaient investir que dans leur pays. Les transferts de technologie sont en passe de s’achever si bien que les conditions de production finiront par s’égaliser en Asie et en Europe. Sous ces deux hypothèses, les capitalistes, plus soucieux que jamais de maximiser leur rentabilité, ont naturellement intérêt à délocaliser là où les coûts salariaux sont les plus bas, sauf si le coût du transport devenait prohibitif. La mise en cause du libre-échange non régulé, portée par Barak Obama, est au cœur de la campagne présidentielle américaine. Les bienfaits du libre-échange sur le développement des pays émergents sont désormais mis en doute. Si l’Europe entend développer son industrie, ses emplois et son modèle social, elle doit activer le principe de préférence communautaire, inscrit dans le traité de Rome. Ce principe doit non seulement s’incarner par l’utilisation prévue du tarif extérieur commun, mais aussi par une révision de la politique de change. L’euro surévalué pénalise à la fois les exportations et les produits fabriqués en zone euro. Action publique Lors de son séjour à Paris, le prix Nobel Joseph Stiglitz n’a eu de cesse de répéter que l’interventionnisme public est plus nécessaire que jamais. Contrairement à la thèse anxiogène de la dette, selon laquelle les caisses seraient vides, la France n’est nullement en faillite. Elle détient infrastructures et actifs. Elle a pu s’endetter à moindres frais pour financer le paquet fiscal, tant l’épargne, abondante dans notre pays, est gourmande d’obligations d’Etat. La dette ne s’est pas creusée en raison d’une inflation de dépenses publique, mais parce que les politiques néo-libérales ont tué la croissance. Moins de croissance, ce sont moins de recettes fiscales, celles-ci étant de plus entamées par les baisses successives d’impôts sur les hauts revenus. Leur redéploiement vers d’autres choix (investissement, recherche, santé, éducation...) serait de nature à provoquer le fameux point de croissance manquant. Compte tenu du taux d’épargne record (15%), il n’y aucune autre contrainte à une relance financée par l’emprunt que le pacte de stabilité. A l’heure où les Etats-Unis cherchent les voies d’une relance mondiale par le déficit budgétaire, la droite nous engage dans un nouveau plan de rigueur à travers la Revue Générale des Politiques Publiques, détruisant 30 000 postes par an dans les services publics en 2008 et 2009. Pire, elle vient d’inscrire le principe d’équilibre budgétaire dans la réforme constitutionnelle, à la façon de ce que la partie III de feu le traité constitutionnel avait tenté de graver dans le marbre… Répartition des revenus Alors que la baisse « ressentie » du pouvoir d’achat est devenue assurément réelle, la nécessité de modifier la répartition primaire des revenus et d’en corriger les inégalités par la fiscalité continuent de faire débat parmi les experts et responsables du PS. Ceux qui partagent les conclusions de la Commission Attali continuent d’affirmer que le salaire est l’ennemi de l’emploi, que la flexibilité du marché du travail est une nécessité et que la concurrence dans la grande distribution suffira à relancer le pouvoir d’achat. Ils militent parfois pour une hausse de la TVA pour financer la sécurité sociale et n’ont « pas de tabou » pour justifier l’allongement de la durée de cotisations retraites. Au contraire, d’autres estiment qu’il est devenu impératif d’augmenter les salaires, d’entreprendre une grande réforme de l’impôt sur le revenu, de rendre progressive la fiscalité des sociétés, d’élargir l’assiette de financement de la protection sociale. Ils dressent par ailleurs un bilan plutôt positif de la réduction du temps de travail. Le PS et la crise Un net clivage entre les "grandes" motions et la gauche du PS sur les réponses à apporter à la crise financière mondiale s’est manifesté mardi soir lors d’une assemblée générale des militants PS de Paris préparatoire au congrès de Reims. Après s’être déclaré au mois de mai "socialiste et libéral", Bertrand Delanoë a glissé rapidement sur "la crise du capitalisme financier international". "Cette crise nous rappelle la pertinence du socialisme", s’est borné à affirmer le maire de Paris. Dans ce contexte, le maire de Paris s’est fait l’avocat de la cause européenne ("c’est parce que l’Europe n’est pas assez unie et pas assez à gauche qu’elle n’est pas au rendez-vous") mais ne s’est pas étendu sur les orientations qu’il préconisait pour l’Europe. Il n’a pas davantage critiqué la politique de Nicolas Sarkozy. Au nom de la motion Aubry, Marie-Pierre de la Gontrie, première vice-présidente de la région Ile-de-France, a tenu à "rejeter toute idée d’union nationale qui serait politiquement fausse et électoralement destructrice, laissant à l’extrême gauche le champ de la contestation". "Cette crise est une rupture majeure. Ce peut être le moment des socialistes si nous sommes capables de le capter", a ajouté Mme de la Gontrie, qui voit dans la ligne politique de Mme Aubry "un chemin de gauche dans cette crise du libéralisme". Vincent Peillon ne s’est pas attardé sur la crise financière, mais il a appelé à choisir une ligne politique claire. Le congrès de Reims "sera utile si nous abordons enfin la question de la doctrine, des idées". "Tous les autres débats sont une façon d’éluder ce vrai problème", a-t-il ajouté. Seul Benoît Hamon (motion "Un monde d’avance") a revendiqué ouvertement un changement d’orientation du parti. "Le 17 novembre au matin, quelque chose aura-t-il changé au parti socialiste, ou aurons-nous une impression de déjà vu, de déjà entendu ?", a-t-il questionné. Pour résoudre la crise financière, a lâché le jeune eurodéputé (41 ans), "on ne peut pas faire confiance à ceux qui sont le produit du système". Il a fustigé le plan Paulson aux Etats-Unis (700 milliards d’euros au secours des banques", y voyant "la socialisation des pertes, une forme de grande loi d’amnistie et la possibilité de recommencer comme avant !" Benoît Hamon a préconisé "un nouveau réalisme économique de gauche" : constitution d’un pôle financier public et européen, suspension du Pacte européen de stabilité et de croissance, copilotage de la politique monétaire par les gouvernements et la BCE La crise financière par Jacques SAPIR (économiste à l’EHESS) Aux USA, le salaire moyen a baissé de 10% en valeur réelle de 1985 à nos jours (cependant que la rémunération moyenne des PDG passait de 40 fois celle du salarié moyen en 1985 à 400 fois en 2005), alors que de 2000 à 2007, le coût des dépenses de santé augmentait de 68% et celui des frais d’éducation de 46%. Les salariés de la classe moyenne sont donc obligés, pour maintenir leur niveau de vie, de s’endetter massivement (le taux d’épargne aux Etats-Unis a chuté de 18% en 2000 à 13,5% en 2007). L’endettement des ménages américains s’élève à 93% du PIB, contre 45% en France ou 68% en Allemagne. Cette économie d’endettement a provoqué dans les années 1980-90 une explosion du crédit, centralisé à Wall Street notamment par les banques d’affaires. Des investissements massifs à caractère spéculatif ont donc été rendus possibles, d’abord sur les nouvelles technologies jusqu’à l’éclatement de la bulle internet en 2001, puis sur l’immobilier, avec l’aide de la Réserve Fédérale (la Banque centrale), qui a encouragé le crédit au-delà du raisonnable pour atténuer les effets du krach de l’internet. Une intense spéculation immobilière s’est développée aux USA de 2003 à 2006 (les prix augmentèrent dans ce secteur de 52% sur cette période), notamment en direction des petites classes moyennes et des ménages les plus pauvres. A ces ménages, les « crédits fonciers » locaux (il y en a des milliers éparpillés dans tout le pays) ont consenti des crédits hypothécaires à taux variable, dits « subprimes », pour leur permettre d’acquérir la maison de leurs rêves. En cas de défaillance, pensait-on, les ménages insolvables n’auraient qu’à vendre leur bien immobilier dont la valeur, pensait-on également, dépasserait largement le montant d’achat initial. L’accélération de la croissance US à partir de 2004 a provoqué des tensions inflationnistes, auxquelles la Réserve Fédérale a répliqué en augmentant ses taux directeurs. Ce fut le déclenchement d’un renchérissement du crédit qui se répercuta sur les taux variables des prêts « subprimes ». Des millions de ménages américains virent ainsi le montant de leurs traites franchir le seuil d’insolvabilité et commencèrent à être massivement expulsés de leur maison (en 2007, on comptait 60 000 saisies immobilières par semaine). Tous ces « crédits fonciers » locaux qui avaient des créances immobilières peu sûres d’être remboursées, les empaquetèrent dans des titres de propriété négociables, qu’ils revendirent aux banques de rang plus élevé. La valeur de ces titres était donc directement indexée à la capacité de remboursement des ménages, qui chutait, et aux prix de l’immobilier, qui s’effondra de 15% entre juin 2007 et juin 2008 (on attend moins 25% d’ici juin 2009). Toutes les banques américaines ont acheté des titres dits « subprimes ». Ce faisant, elles ont contaminé leur bilan avec des actifs dont le prix baissait constamment. Elles ont donc dû passer en pertes et dépréciations d’actifs des pans entiers de leur bilan contaminé par ces « actifs toxiques ». Cela fut fatal aux banques d’affaires, qui ne sont pas obligées d’avoir des fonds propres pour s’endetter. Lehman Brothers, Merill Lynch, Bear Sterns se sont massivement endettées pour acheter des actifs contaminés par les subprimes, ce qui les a conduit, de juin à octobre 2008, à la faillite (Lehman Brothers), à se faire racheter (Merill Lynch) ou se faire renflouer par l’Etat (Bear Sterns). Les organismes de crédits hypothécaires, titulaires d’une montagne d’actifs dont le prix chutait au même rythme que le marché de l’immobilier (5 millions de maisons en stock aux USA dès le printemps 2007), ont frôlé eux aussi la faillite. Fanny Mae et Freddie Mac, les deux mastodontes du secteur (5400 milliards de dollars d’hypothèques à leur actif), furent nationalisés en catastrophe début septembre 2008. Fin septembre 2008, les marchés s’aperçurent que toutes les institutions financières américaines et européennes avaient acheté des titres subprimes. La crise de défiance démarra alors, provoquant le vote en catastrophe d’un plan de sauvetage de 700 milliards de dollars par le Congrès américain, et surtout un blocage total des crédits interbancaires. Se soupçonnant les unes les autres – à raison – d’avoir un bilan gorgé d’actifs toxiques, les banques cessèrent complètement de se prêter de l’argent à partir d’octobre 2008. Ce faisant, elles se placèrent toutes en situation de faillite virtuelle, provoquant une chute vertigineuse des indices boursiers. Mais il y a pire. Depuis 20 ans, les banques s’assurent contre les risques de défaillance de leurs clients, en achetant sur un marché non réglementé, de gré à gré, des titres d’un genre nouveau appelés « Credit Default Swaps » (CDS). L’émetteur du CDS garantit à l’acheteur qu’en cas de défaut de crédit voire de faillite, sa perte sera intégralement compensée. Les CDS fonctionnent donc comme des bons d’assurance, à ceci près que… les émetteurs n’ont pas mis en réserve les fonds destinés à rembourser un éventuel défaut de crédit et ont vendu à plusieurs acheteurs la même assurance. On estime que pour 1 risque de défaut de paiement, ce sont 10 CDS qui ont été mis sur le marché. Tant que le marché est à la hausse et que la croissance est au rendez-vous, tout va bien. Le jour où ça se retourne, c’est la catastrophe assurée, car si une entreprise fait faillite, cela peut vouloir dire que l’émetteur de CDS devra couvrir 10 fois le remboursement, avec des fonds qu’il n’a jamais mis en réserve ! L’encours total des CDS est estimé entre 40 000 et 90 000 milliards de dollars. Si les faillites se multiplient, il va bien falloir rembourser, comme ce fut le cas pour les défauts de paiement de Lehman Brothers, qui ont ruiné l’assureur américain n°1, AIG (renfloué par un prêt du gouvernement US de 85 milliards de dollars). Etant totalement incapables de le faire, les émetteurs de CDS feront faillite à leur tour et les acheteurs de CDS ne seront jamais remboursés, supportant donc sur leurs propres épaules les défauts de paiements contre lesquels ils s’étaient assurés. Ils feront donc faillite eux aussi. Sur l’économie réelle, les répercussions se font déjà sentir : les entreprises ne peuvent plus emprunter et stoppent leurs programmes d’investissement, cependant que les ménages réduisent dramatiquement leur consommation. Séminaire du PS sur la crise financière par benoît Hamon La crise financière actuelle et ses conséquences sociales dramatiques sont aujourd’hui au centre du débat politique. Hier matin, elles faisaient l’objet d’un séminaire de travail du bureau national du PS, auquel je participais. Le contenu des échanges ainsi que l’essentiel des interventions des économistes audités ce jour ont pour la plupart convergé vers les mêmes principes et les mêmes préconisations. Plusieurs d’entre elles sont en rupture nette avec la ligne actuelle du PS : - Mise en œuvre d’une supervision européenne, séparation des activités de banque de crédit et de banque de marché et restriction à la libre circulation généralisée des capitaux. - Renforcement du rôle de l’Etat et de la place de la puissance publique dans le secteur bancaire notamment par la recapitalisation donc la nationalisation d’une part du secteur bancaire et la création d’un pôle financier public. - Dénonciation du pacte de stabilité et de croissance. La réunion du bureau national a aussi permis de dénoncer sur la nature d’un modèle capitaliste qui se caractérise par une compression générale des revenus salariaux induite par les effets dépressifs venant de la concurrence des producteurs à bas coûts, et une trappe à spéculation induite par la finance déréglementée qui capture les profits et les éloigne de l’investissement productif. J’ai proposé depuis plusieurs semaines : - La création d’un pôle financier public par la nationalisation partielle du secteur bancaire. - La suspension du pacte de stabilité pour permettre la relance de l’économie européenne. - La baisse des taux directeurs de la BCE pour réinjecter des liquidités dans un marché financier marqué par l’effondrement du marché interbancaire à court terme - La mise en place de restrictions européennes au libre-échange pour stopper la dépression salariale et protéger l’environnement. Il ne faudrait pas que l’actualité du congrès socialiste empêche la direction du PS de faire siennes ces solutions sous prétexte qu’elles ont été formulées plus tôt par une motion en particulier, celle que je défends. J’appelle donc les socialistes à se réunir autour de ces réponses fortes et à rejeter les orientations désordonnées, injustes et inefficaces de Nicolas Sarkozy. Bibliographie - Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monaie, JM Keynes - La richesse des nations, Adam Smith - Le Capital T.1, Karl Marx - Introduction à l’économie, Jacques Généreux - Introduction à la politique économique, Jacques Généreux - Sarkonomics, Liêm Hoang Ngoc Un monde d’avance sur internet : www.unmondedavance.eu uma59.blogspot.fr

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