« L’OPTIMISME DE LA VOLONTÉ » NOTRE CONTRIBUTION AU CONGRÈS 2015 DU PARTI SOCIALISTE





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Quel contraste entre la difficulté d’être un militant socialiste sur le terrain et le besoin de gauche si éclatant que réclame l’état de la France !
Pourquoi ne pas le reconnaître ? C’est parfois difficile de militer au nom du Parti socialiste aujourd’hui. Sinon pourquoi serions-nous si peu nombreux ? Cela doit-il nous décourager, nous faire changer de trottoir ? Assurément non. Mais à quoi bon un congrès, si nous ne regardons pas les problèmes en face, si nous ne les affrontons pas, pour les résoudre et reprendre avec confiance le chemin de l’action militante collective ?
C’est difficile, d’abord, parce que notre action au gouvernement désarçonne. C’est difficile parce que le paysage politique donne parfois l’impression d’un grand dérèglement : une gauche qui s’aventure parfois à droite, une droite qui se sent bien à l’extrême droite et une extrême droite qui réclame plus d’Etat et de protection sociale et agrège les classes populaires. C’est comme si les choses n’étaient plus tout à fait à leur place.
C’est difficile ensuite, parce que cette politique nous divise et l’expression publique de ces divisions écœure davantage nos électeurs. Mais ne confondons pas les causes et les conséquences. L’expression de désaccords entre socialistes au sein du gouvernement ou du parlement est la conséquence d’une politique au même titre que l’abstention des électeurs de gauche aux élections municipales et européennes. « La responsabilité, c’est l’unité » entend-on. Encore faut-il éviter de provoquer la division de son propre camp par des déclarations ou des décisions éloignées de nos convictions communes pour ensuite exiger l’unité au nom du péril du Front national qui menace. Le Front national ne monte pas en raison des divisions des socialistes. Il monte en raison des impasses de nos politiques.
C’est difficile aussi parce que nous ne portons pas nous-mêmes, politiquement et collectivement, les conquêtes indiscutables des trois premières années du quinquennat de François Hollande, comme si celles-ci étaient honteuses, placées au second plan de la sacro-sainte lutte contre les déficits publics. La refondation de l’école de la République, les 34 plans industriels et le « made in France », les lois sur la transition énergétique, le logement, l’avenir de notre agriculture, l’économie sociale et solidaire ou la consommation, ont réarmé notre économie et créé des droits nouveaux dans la vie quotidienne des français… Mais voilà que ces conquêtes sont aujourd’hui remises en cause, par nous-mêmes la plupart du temps en raison de la rigueur budgétaire qui s’impose, selon les exigences de Bruxelles en matière de libéralisation de notre modèle social. Nous fragilisons ce que nous avonsnous-mêmes bâti.
C’est difficile enfin parce que les valeurs de nos compatriotes semblent rallier naturellement les discours d’ordre, d’autorité et de sévérité et de moins en moins ceux de solidarité et de progrès social. La société apparait plus égoïste, individualiste, réactionnaire et plus hostile qu’auparavant à nos idéaux d’égalité. Nous voilà acculés, sur la défensive, contraints de faire la démonstration de la « modernité » de nos solutions. Il faudrait être réaliste plutôt que socialiste, pragmatique plutôt que progressiste, obéir au monde tel qu’il est. C’est oublier Jaurès dont nous venons de célébrer le centenaire de la mort qui ne proposait pas d’obéir au réel mais de partir du réel pour aller à l’idéal. Jaurès vaut mieux qu’un hommage nostalgique. Il nous invite à l’action.
Et pourtant…
Et pourtant, jamais il n’a été aussi évident d’être de gauche. La crise financière dont les économies européennes ne se sont toujours pas relevées était une invitation à libérer l’économie mondiale de la tyrannie à court terme des marchés. Cette crise appelait à repenser notre modèle de développement tant au niveau de l’entreprise en favorisant l’investissement plutôt que les dividendes qu’au niveau macro-économique par une lutte sans merci contre le dumping fiscal, l’évasion et la fraude fiscales.
Et pourtant, jamais le résultat des politiques libérales n’a été aussi unanimement condamné.
Voilà les Etats sommés de se désendetter sans délais, au mépris des investissements indispensables en matière de protection de l’environnement ou d’éducation. Voilà l’Etat à nouveau accusé « d’empêcheur de s’enrichir tranquille » et le travail se réduit à une charge pour les entreprises. Les Etats si prompts à sauver le système financier sont désormais astreints à une cure drastique d’amaigrissement pour libérer l’initiative et la croissance. Quels sont les résultats de ces politiques d’austérité, de rigueur, de sérieux budgétaire et de libéralisation ? La dette n’a pas diminué mais bondi. Le chômage a explosé. La zone euro est entrée en déflation. Et jamais les inégalités économiques et sociales n’ont été aussi fortes. La crise financière appelait l’irruption de la démocratie et de l’intérêt général dans l’économie mondiale. Nous nous découvrons hélas, 7 ans après le début de la crise encore moins souverains que nous ne l’étions avant la chute de « Lehman Brothers ».
Dès lors, c’est la politique toute entière qui doit être interrogée…
Le lien de confiance entre les citoyens et leurs gouvernants ne peut pas être durablement affaibli. Le sentiment que le vote est inutile et que l’essentiel se décide ailleurs que dans nos institutions démocratiques ne peut pas s’installer. Qui décide ? Qui décide vraiment ? Que vaut réellement mon vote ? Quel poids pèse-t-il quand ceux que j’élis concèdent eux-mêmes ne détenir qu’une fraction marginale du pouvoir. Quelle utilité a mon suffrage quand droite et gauche semblent s’accorder sur une seule et même politique économique ? L’essor des théories complotistes est un des symptômes contemporains les plus nauséabonds de l’expression, par nos compatriotes, d’une perte de contrôle de leur vie et de celle de la nation.
Confrontés à l’exercice du pouvoir, nous sommes naturellement contraints de tenir compte de la réalité. En son nom on justifie petites inflexions et renoncements purs et simples qui alimentent la chronique des différences entre les 60 engagements de François Hollande et la politique conduite depuis mai 2012. Mais qui peut sérieusement faire le procès à un dirigeant d’adapter ses réponses à la réalité, aux rapports de forces existants, aux moyens disponibles ? Personne. Sauf à se désintéresser des changements réels et à se complaire dans les postures et l’incantation. Mais le réalisme ce n’est pas non plus la résignation au monde tel qu’il est. Le réalisme ce n’est pas la soumission aux axiomes de l’adversaire. Le réalisme ce n’est pas de chercher récompenses et satisfecit de ceux qui ont juré la perte des conquêtes sociales dont nous sommes à la fois les héritiers et les responsables. Cette résignation ne nous sera pas pardonnée. Personne ne nous demande de raser gratis. Nos compatriotes sont conscients des efforts à accomplir pour améliorer la situation économique de la France. Mais leur lucidité appelle de notre part exemplarité et volonté et pas obéissance et soumission. Le spectacle de l’impuissance politique ne peut tenir lieu de projet.
De la République qui me garantit des droits à la société qui ne doit pas contrarier mes désirs, la France migre surement vers un modèle d’inspiration libérale en contradiction avec les ressorts historiques profonds de notre nation. Et c’est ainsi par exemple que l’on franchit sans s’en rendre compte une frontière théorique cruciale en abandonnant le principe du droit au repos dominical au profit de la liberté individuelle théorique de travailler le dimanche. Historiquement la gauche française s’est battue pour libérer du temps et réduire la durée du travail. Désormais, elle milite pour le « droit » individuel de travailler, là où elle avait auparavant conquis le droit collectif de se reposer et de se retrouver. C’est exactement le même raisonnement qui a conduit les britanniques à créer un contrat de travail où le salarié peut exercer son « droit », sa « liberté » de renoncer à ses droits.
Au fond, le libéralisme est une vision pessimiste de l’avenir qu’on veut nous infliger, une vision qui, si elle semble inviter chacun à prendre sa place à la table de la mondialisation, valide dans les faits le primat de la loi du plus fort, du mieux né, du mieux loti, du mieux doté. Sombre dessein.
A la faveur d’une crise qui n’en finit plus, du pessimisme qui croit, les conversations reprennent de plus en plus souvent la ritournelle du « c’était mieux avant » ou « l’herbe est plus verte chez le voisin ». D’idées noires en idées noires, ce sont les forces politiques qui prêchent le désespoir qui prospèrent. « A 20 ans, je n’avais déjà plus que du passé », disait Céline. C’est contre cette vision tragique de notre avenir, ce pessimisme de la volonté, si bien incarnée par la droite extrême que la République doit se régénérer. 
Jamais la gauche n’a été aussi nécessaire…
Jamais le besoin de République ne s’est autant fait sentir. Mais soyons clairs : une République vivante, une République présente, une République tangible. La République à construire doit reconquérir l’esprit et le cœur de tous ceux qui n’étaient pas dans les rues le 11 janvier. Il faut commencer par arrêter de nous payer de mots sauf à prendre le risque d’une catastrophe démocratique. En France, l’instrument par lequel la promesse républicaine d’égalité se réalise, c’est l’Etat. Il était illusoire de penser sans conséquences, la réduction des moyens directs de l’Etat, de ceux délégués aux collectivités locales ou aux acteurs associatifs. Moins d’Etat c’est moins d’action publique donc moins d’égalité, donc moins de République. Moins d’état c’est aussi souvent moins de droits et donc moins de liberté de décider et une nouvelle fois moins de République. En France, dans ce vieux pays égalitaire, protestataire mais républicain, on ne démantèle pas l’Etat ni son modèle social impunément.
Il est temps de se ressaisir. Si nous devons être lucides sur la difficulté de la tâche, il ne faut surtout pas nous abandonner à la fatalité d’une situation trop complexe ou d’un rapport de force top défavorable et nous résigner. Partout, on demande des biens communs. Partout, on veut créer une nouvelle économie collaborative, une démocratie plus aboutie. Au niveau européen, le dogme austéritaire commence à se fissurer. Dignité, maîtrise de son destin, remise en cause de l’individualisme, le repli identitaire ne peut être la réponse à ces aspirations. La course entre les réactionnaires et nous est engagée : la gauche peut et doit regagner dans les têtes. L’enjeu de cette bataille ? Rien de moins que l’avenir de la République. Renouons avec l’optimisme de la volonté. 
C’est dans ce sens que s’inscrivent les propositions qui suivent.